Instruction obligatoire à partir de 3 ans
Je souhaite revenir sur cette annonce du président de la République lors des Assises de la Maternelle : l'instruction obligatoire à partir de 3 ans.
Définition
Tout d'abord, il me semble important de revenir sur les termes, parce qu'ils ont leur importance. Beaucoup de médias parlent de l'école ou de la scolarisation obligatoire. Hors, ce n'est ni l'une ni l'autre qui est obligatoire, mais bien l'instruction. Certains diront que c'est chipoter, mais je maintiens que non. Réduire l'obligation à la scolarisation plutôt que de parler d'instruction prive tout bonnement les parents de leur liberté de choix. Hors, je tiens à rappeler que nous sommes un pays de libertés et qu'il serait bon de ne pas l'oublier (ou le faire oublier) par de telles subtilités.
La scolarisation comprend donc l'école publique, l'école privée sous contrat et les écoles privées hors contrat dans une certaine mesure. Il reste donc l'instruction en famille (IEF) qui n'a pas recours à la scolarisation pour répondre à l'obligation d'instruction.
Question de liberté
C'est justement pour une question de liberté que l’État ne rend pas la scolarisation obligatoire. Il laisse la liberté aux parents de faire ce qu'ils jugent être le plus adapté à leur enfant, leur mode de vie, leur choix de vie. C'est une liberté tant parentale que citoyenne.
Alors oui, bien sûr que pour certains enfants il se trouvent que ce n'est pas la bonne solution et qu'ils se retrouvent en difficultés. Soit parce qu'ils seraient plus épanouis en milieu scolaire, soit parce que les parents ne sont finalement pas capables de les instruire convenablement. Bien sûr que cela doit exister. Mais excusez-moi, il y a aussi de très mauvais enseignants et professeurs qui réussissent parfois à broyer certains élèves. Alors qu'on ne vienne pas me dire que l'école est la solution absolue. Savoir reconnaître que ce système ne convient pas à tous serait faire preuve de bonne foi et permettrait peut-être plus facilement la mise en place de solutions adaptées pour ces enfants. De plus, même s'il y aurait à redire sur les méthodes d'inspection des parents qui font le choix de l'IEF, il y a tout de même des contrôles qui permettent de limiter au maximum les effets négatifs.
Les effets
Avec ce passage de l'instruction obligatoire de 6 à 3 ans nous pouvons espérer des effets sur différents points.
Tout d'abord sur la présence en classe. En maternelle disons que c'est un peu l'école à la carte pour certains, sous prétexte que ce n'est pas obligatoire pour le moment. - Je précise tout de même qu'à partir du moment où l'enfant est inscrit en maternelle il y a une obligation d'assiduité qui s'installe automatiquement, obligation d'instruction ou pas. Donc en théorie ce constat ne devrait pas être fait. - Néanmoins, si dans la tête des parents l'instruction est obligatoire à partir de 3 ans nous pouvons espérer une présence plus assidue des élèves de maternelle. Je nuancerai tout de même ces propos parce que nous pouvons constater que de plus en plus de parents se permettent de ne pas mettre leur enfant à l'école pour "convenances personnelles" (entendez ce qui vous arrange, je vous laisse libre) et ce en maternelle comme en élémentaire. Alors l'obligation conservera-t-elle sa force au fil des années ?
Le gouvernement met également en avant l'importance de l'acquisition d'un vocabulaire le plus riche possible pour l'entrée dans l'apprentissage de la lecture et de l'écriture en CP, acquisition qui serait facilitée par la fréquentation de la maternelle, surtout pour les enfants ayant des parents ne parlant pas français. C'est un argument que je retiens, surtout ayant déjà enseigné en CP et en GS (grande-section de maternelle).
L'habituelle question de l'égalité
Dans son discours, le gouvernement met une fois de plus en avant, pour défendre sa réforme, le fait que l'école pourra ainsi réduire l'écart entre les élèves qui sont tous issus de milieux sociaux-professionnels différents. Alors là, excusez-moi, même si l'école de la République a toujours eu cette ambition, le fonctionnement et la logique du système actuel ne le permettent absolument pas. L'école fait beaucoup de bien à beaucoup d'enfants et plus largement de familles, mais je ne fais pas partie de ceux qui croient qu'elle permet effectivement de réduire les inégalités, qui sont de toutes façons présentes dans notre société. Elle n'en est pas capable dans l'état actuel du système. C'est en tous cas mon avis personnel et ce n'est pas pour autant qu'elle doit arrêter d'en avoir la volonté.
Pour conclure cet article, je voudrais dire :
Je suis professeure des écoles et fière de l'être, j'adore mon métier, je ne suis pas contre l'école mais je reste lucide sur le système qui la fait tourner, je n'ai pas eu l'instruction en famille étant petite mais je suis foncièrement pour la liberté laissée à chacun.
Question ouverte de fin d'article : Est-ce que passer le début de l'instruction obligatoire de 6 à 3 ans est une réponse efficace à l'augmentation des parents qui décident de sortir leur(s) enfant(s) du système scolaire ordinaire ? (et je ne sous-entends pas que c'est pour cette raison que le gouvernement le fait)
N'hésitez pas à donner votre avis, de manière courtoise et constructive, c'est toujours agréable de discuter et de confronter les points de vues.
Merci de me lire,
Petite plume
Pour plus d'informations (entre autres sources) : http://www.education.gouv.fr/cid128334/assises-ecole-maternelle.html
Article à l'origine de ma réaction : http://www.bfmtv.com/societe/education-l-ecole-va-devenir-obligatoire-a-partir-de-3-ans-1405276.html